Ce qu’il y avait a dire «en plus» sur l’affaire Alexia Daval

Ce qu’il y avait a dire «en plus» sur l’affaire Alexia Daval

C’est temps qu’on en finisse au milieu des «accidents» et les «drames passionnels» pour rappeler les faits bruts: 1 homme a tue sa propre cherie. Et ca arrive encore l’integralite des trois jours en France.

Temps de lecture: 6 min

Le traitement du meurtre d’Alexia Daval votre semaine a ete votre cas d’ecole ou, pour etre plus precise, un vautrage complet.

Je ne parle pas de la defense que l’accuse et ses avocats ont choisie. Qu’ils utilisent n’importe quel argument, c’est bien leur droit. L’accuse va tout tenter pour minimiser une responsabilite –comme il le fait depuis le commencement. Il se presentera sous les traits de la veritable victime, un homme soumis a des maltraitances psychologiques. Soit.

«Par accident», mais sans nos guillemets

Mais les journalistes ont plusieurs devoirs, dont le premier: la vigilance. Ces trois derniers mois, on a surpris des articles qui reprenaient sans le debut de l’ombre d’un conditionnel la version du mari: immonde avait attaque la jeune soeur pendant son jogging. Une version etayee par zero preuve et pour cause: elle est fournie avec le presume meurtrier pour s’innocenter.

Eh non, en fera, il l’attendait au salon.

On pourrait penser qu’apres s’etre laisses balader un brin trop facilement par le presume meurtrier, des medias allaient prendre ses nouvelles declarations avec des pincettes. Eh bien jamais trop.

Sur nombre de blogs d’infos mardi jour, on retrouvait la declaration de l’avocat en fonction de laquelle Jonathann Daval aurait tue son epouse «par accident», mais sans les guillemets. Pourtant, l’emploi des guillemets est essentiel pour mentionner que ce sont des propos rapportes non verifies avec lesquels on maintient une distance. Les guillemets, c’est la base. Meme l’AFP, qui a edicte une charte Afin de bien traiter des feminicides, a commis votre erreur. A sa propre decharge, l’agence s’en reste aussitot excusee et a corrige ses titres.

En zappant via plusieurs chaines de television, j’ai surpris defiler tous les pieges habituels de ce type d’affaires: «drame», «drame passionnel», «amour». On ne evoque nullement «drame», on ne evoque gui?re «passionnel» ou «fou d’amour».

Est-ce ideologique? Non. Entre «un drame familial s’est noue dans l’Aube» et «Dans l’Aube, un mari a egorge son epouse», la deuxieme formulation n’est pas moins neutre. Au contraire, elle evoque des choses telles qu’elles seront, sans le filtre des formules convenues. Attenuer la violence des meurtres en evoquant 1 «drame» ou une «dispute qui a en gali?re tourne», c’est deja denaturer les faits.

Il y a des outils a la disposition des journalistes pour eviter quelques erreurs courantes, ceux faits par le collectif Prenons Notre une ou le travail de deconstruction de Sophie Gourion. Le probleme, c’est que pour les se servir de, il convient deja avoir conscience en nature de l’information qu’on va traiter.

Englues dans la psychologie de comptoir

Et i  priori, a TF1 et a France 2 mardi jour, votre n’etait gui?re le cas. J’ai regarde deux fois ces 20h. Deux fois, parce que J’me disais que ce n’etait gui?re possible qu’aucun des deux n’ait a un moment evoque les autres victimes d’homicide conjugal. J’avais vraiment du louper ce passage.

Sur France 2: reportage a partir des aveux de Jonathann Daval, puis duplex depuis Besancon avec un journaliste qui redit la meme chose. «Un homme a bout, 1 jeune homme devaste». Deuxieme reportage sur les points qui ont fera basculer l’enquete. Retour plateau avec un journaliste justice qui nous parle mensonge et dissimulation. Conclusion d’Anne-Sophie Lapix: «Voila ce qu’on pouvait penser dans Jonathann Daval». Mais non! On pouvait dire tellement plus de choses!

Sur TF1: reportage sur les aveux, puis duplex devant la gendarmerie de Besancon, retour plateau, lancement d’un portrait de Jonathann Daval dans lequel on te prend pour argent comptant des propos de l’accuse sur la personnalite «ecrasante» d’Alexia Daval. Fin.

Ces aveux font l’ouverture des 2 plus gros journaux televises du pays et pas un ne lance votre reportage sur les feminicides. Pas un ne prononce aussi le mot. Pourtant, c’etait l’occasion Afin de informer, Afin de sensibiliser a votre sujet. A le poste, on reste reste englue dans la psychologie de comptoir vis-i -vis de l’accuse. J’adore la psychologie de comptoir, mais je n’ai inutile d’en voir au sein des journaux, je fais ca tres bien i  la vanille avec faire mes amis.

C’est aussi pire que ca: et cela interesse, votre n’est jamais qu’un homme ait tue sa compagne, c’est qu’il ait menti. Alors que je m’attendais a votre que l’on cite au moins certains noms des autres femmes tuees recemment avec leurs conjoints, L’expert justice de France 2 a bel et bien evoque deux autres affaires: Veronique Courjault (mere infanticide) et Patrick Henry (enlevement et meurtre d’un gari§on). Notre point commun avec Jonathann Daval? Ils avaient aussi menti.

Alexia Daval fut tuee par son conjoint en octobre 2017. Exactement comme Celine, Catherine, Marielle, Corinne, Yamina, Marine-Sophie, Emmanuelle. Mais en redactions de France 2 et TF1, personne n’a pense a Realiser le parallele.

Vous allez me penser: «Mais c’est parce chatstep telecharger que une telle histoire reste hors norme». Mes remarques psychologisantes sur Jonathann ne disent gui?re autre chose que «il reste exceptionnel». Comme si cette affaire etait exceptionnelle. Un mari a tue sa copine: ce n’est pas extraordinaire et ca merite plus que des «experts» qui dissertent tel s’ils etaient l’agent Ford dans Mindhunter.

Alexia Daval, une victime parmi toutes les autres

En quoi l’affaire Daval est-elle plus extraordinaire que celle de Jennifer, 31 annees, mere de deux enfants et portee disparue en Corse en fevrier soir, dont on a retrouve la peau au fond d’un ravin au bout de deux mois de recherche, avant de decouvrir que c’etait Loic, 31 annees, son ancien compagnon, qui l’avait etranglee et avait deplace son cadavre? Ou celle de Bernard, 70 ans, qui a etouffe son epouse Jacqueline, 69 ans, avant d’enterrer son corps dans leur jardin et de signaler sa disparition en insistant beaucoup dans le fait qu’elle etait depressive. C’etait le mois dernier. Un homme qui tue sa propre compagne –ou le ex-compagne– et qui ment, ce n’est pas un scoop.

Je sais que c’est la piste en joggeuse en debut d’enquete additionnee au cote «feuilletonnant» de l’affaire Daval qui a entraine un programme sous l’angle du pur fait divers. Neanmoins, le role des journalistes, c’est aussi de remettre en perspective les faits. Or la mise en perspective ici, c’est de penser qu’il s’agit d’un homicide conjugal, ainsi, plus exactement d’un feminicide. C’est aller du cas particulier pour, au minimum, rappeler le nombre de victimes par an. Ils font une responsabilite a insister dans le fait que ca arrive moins rarement qu’on ne le pense, que ca touche tous les ages et l’ensemble des milieux sociaux.

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